La boule
J'étais assis à mon bureau, dans ma chambre et, à contre cœur, je faisais mes devoirs. La porte de ma
chambre était entrouverte et laissait filer un courant d'air qui me faisait frissonner. Je travaillais néanmoins très
consciencieusement. J'appliquais les couleurs à cette maudite carte de géographie. Rien dans ma vie d'étudiant
ne mérite qu'on s'y attarde, et rien non plus n'aurait pu laisser présager ma triste fin.
5 Je luttais contre la fatigue due à l'ennui lorsqu'il se passa un incident tout à fait insignifiant, insignifiant
mais qui, je ne sais pourquoi, glaça l'atmosphère. Je crus apercevoir une chose assez semblable à une pelote de
laine sombre, molle et d'aspect filandreux, rouler sous ma chaise de bureau, furtivement, et étrangement
presque peureusement. Rouler n'est pas exactement le terme, plutôt, elle semblait à la fois voler et bondir...un
événement inexplicable, bizarre. Je clignai des yeux, les écarquillai, elle était bien là, sous moi, juste là.
Je me penchai pour regarder dessous la chaise, amusé, intrigué par l'absence de pesanteur de cette boule
noire singulière.
10
1
Cette petite chose, je crois, se mit en mouvement, une vibration plutôt et je ne pus résister à la caresser. Je
crus percevoir un souffle lent, comme une palpitation rythmée. Impossible? Si ! J'avais la conviction que cette
petite chose était douée d'agilité et de ruse. Une odeur inconnue parvint alors à mes narines, un arôme qui
15 n'était pas désagréable mais inhabituel. Peu à peu, je sentis mon corps tout entier picoter, comme si mille
fourmis me chatouillaient. Et dans le même temps, je vis sur ma main des lambeaux grisonnants, tels des voiles,
tandis que d'autres s'enroulaient autour de mes bras. Ils montaient davantage que je tentais de m'extraire à
l'emprise de la boule.
Je sortis alors de mon émerveillement et je constatai sa colère. J'avais désormais l'inquiétude d'une fin
20 tragique. Et quand je me rendis compte qu'elle avait pris possession de mon corps, que je n'étais plus à présent
qu'un cocon noir et gluant, mon angoisse se transforma en terreur. Mes membres glacés se paralysaient et
j'étais impuissant face à mon drame. Je pleurais sans mots dire tant mon épouvante me pétrifiait.
C'en était fini, je pensai à la mort. Mais ce qui m'attertdait était bien pire: je rétrécis littéralement au
milieu de ce cocon abominable, pour en devenir le coeur battant, le noyau vivant. Et au moment ou la porte
25 s'ouvrit - papa venait m'appeler pour souper-je bondis furtivement sous la chaise...
QUESTIONS
1/ Quelle est la forme de narration dans ce récit ?..........
2/ Dans le premier paragraphe, quel est le cadre spatio-temporel décrit?..
3/ Le lecteur peut-il s'attendre à ce que le narrateur vive une aventure fantastique ? Qu'est-ce qui te permet
de répondre ?.......
4/Souligne, dans le 2ème paragraphe les mots qui expriment l'incertitude et l'étonnement du personnage.
5/Toi, aurais-tu osé toucher la boule ? Pourquoi le narrateur le fait-il ?